Étapes de la vie et déficience intellectuelle
Une personne qui présente une déficience intellectuelle est avant tout une personne comme les autres qui vit différentes étapes de sa vie. Imaginez que vous vivez votre première journée au service de garde, à l'école primaire, à l'école secondaire, au travail ou votre premier jour de retraite...mais que tout cela se passe dans un autre pays, avec des gens qui parlent une autre langue et qui ont des coutumes toutes différentes des vôtres. C'est un peu comme cela que la personne qui vit avec une déficience intellectuelle traverse ces étapes de la vie : avec les mêmes entraves que vous, mais avec une compréhension de son monde et capacités pour s'y adapter limitées.
Un enfant avec une déficience intellectuelle est d'abord un enfant qui joue, qui apprend et qui découvre. Un adolescent avec une déficience intellectuelle est d'abord un adolescent dont le corps change, qui a des sautes d'humeur et qui se cherche. L'adulte avec une déficience intellectuelle est d'abord un adulte qui veut faire sa place dans la société grâce au travail ou à tout autre façon de s'accomplir et qui est en quête d'une vie affective et amoureuse. La personne âgée qui vit avec une déficience intellectuelle est d'abord une personne qui vieillit avec un corps qui lui lance des signaux de ralentir.
Évidemment, ces étapes de la vie ne seront pas vécues de la même façon chez une personne qui présente une déficience intellectuelle légère, moyenne, sévère ou profonde. Toutefois, il faut d'abord voir en elle une personne qui vit une étape de son développement avant de voir une personne ayant un handicap. Une jeune femme avec une déficience intellectuelle légère vous dit qu'elle souhaite un jour vivre dans son propre logement, avoir un travail et un amoureux? Pensez d'abord à la jeune femme qui manifeste un désir tout à fait légitime à son âge avant de penser aux possibles difficultés qu'elle pourrait vivre. Après tout, nous encouragerions tous une jeune femme sans déficience intellectuelle qui manifesterait le même désir!
Nous avons souhaité, avec ce cahier spécial, partager avec vous des témoignages de personnes présentant une déficience intellectuelle ou de leurs proches qui racontent comment ils vivent ces différentes étapes de la vie.
L’unique Frida
Frida est une grande fille de dix ans atteinte d'une anomalie chromosomique causant une déficience intellectuelle sévère (mais presque moyenne!). Elle a une sœur, William, et un frère, Marcus, respectivement âgés de neuf et sept ans.
En tant que parents, nous avons rapidement cessés de nous poser des questions sur son avenir car comme un grand nombre d'anomalies génétiques, l'anomalie de Frida est "unique" et il n'y a pas de comparatifs dans la littérature médicale, nous n'avons donc aucune idée de ses possibilités de développement ou d'éventuelles dégénérescences, alors nous nous concentrons sur ses petites victoires quotidiennes et sa constante (quoi que lente!) évolution.
Dans l'attente du diagnostique, nous avons vécu deux semaines d'angoisse; une secrétaire du département de génétique de l'hôpital Ste-Justine nous contacte et nous prenons rendez-vous deux semaines plus tard pour l'annonce des résultats. Pendant la discussion, elle nous dit en restant vague que Frida a une anomalie... Ne jamais donner d'indices au téléphone est une règle, il me semble! Cela a été quinze jours à s'imaginer le pire! À l'annonce du diagnostique, nous avons "presque" été soulagés, au moins elle n'était pas malade.
Bien sûr, la nouvelle a été difficile à accepter, mais Frida ne souffrait d'aucune maladie et ne pouvant recoller le morceau de chromosome manquant. On a vite compris qu'elle "était faite" comme ça et que les seules choses à faire étaient de l'aimer et d'entreprendre la stimulation précoce. Ça été pénible pour la famille aussi, c'est certain, mais du fait que nous ayons rapidement accepté Frida, notre entourage n'a pas vraiment eu le choix de suivre!
Aujourd'hui, bien qu'elle accuse un grave retard de développement intellectuel, Frida est en parfaite santé, elle va à l'école Bel-Essor et fréquente la Maison de Répit Bétournay, qui font, dans les deux cas, un travail formidable. Elle est enjouée, heureuse, adorable et elle est en constante évolution, tranquillement mais sûrement!
Et nous l'aimons.
Junior Boucher
papa de Frida
Un ado comme les autres
Gabriel est un jeune homme attachant et dynamique de 18 ans qui vit avec une trisomie 21.
L'adolescence est toujours un passage difficile pour n'importe quel jeune. Le handicap intellectuel n'y change rien! Comme le décalage empire avec l'âge, c'est très difficile. Ce n'est pas évident de développer son autonomie et c'est sûr qu'il veut être autonome! Mais parfois il faut lui imposer des limites par exemple : il voudrait bien qu'on le laisse aller où bon lui semble mais il ne verra pas l'importance d'apporter un peu d'argent ou un cellulaire au cas où il y aurait une urgence. Il exécute par lui-même et de sa propre initiative certaines tâches que nous lui avons attribuées. Il a le droit de prendre son temps et même si c'est plus long, il y arrivera.
Chaque âge a ses charmes et ses défis. La dynamique familiale doit se réinventer au fur et à mesure. Il est légitime pour tout parent d'aspirer à ce que son enfant puisse s'organiser de façon autonome à 100%. Avec un jeune qui a une déficience intellectuelle, il faut se rendre à l'évidence que cela n'arrivera jamais.
Pour l'école, nous avons toujours été fondamentalement convaincus du bien-fondé d'être intégré au régulier avec des objectifs adaptés. L'apprentissage du «vivre ensemble» c'est-à-dire être intégré afin de développer un comportement aussi «normal» que possible, est essentiel à l'intégration à la société. Par contre, le secondaire fut moins éprouvant que le primaire.
La crise d'adolescence, on est dedans et je peux vous certifier que cela transcende le handicap! Les sautes d'humeur inexpliquées, les grands drames ou encore le classique «vous ne me comprenez pas». L'important est qu'il fasse des choses concrètes. Il s'est inscrit dans plusieurs sports avec les Olympiques Spéciaux et c'est extrêmement bénéfique puisqu'il y vit des RÉUSSITES!
Être parent représente un grand défi que le jeune ait ou non un handicap intellectuel mais, ça peut aussi être un parcours extrêmement gratifiant. Sa vie et par extension la nôtre est parsemée de petites victoires au quotidien qui nous enrichissent et nous améliorent comme humains. Finalement, nos grands penseurs, font de plus en plus l'éloge de la lenteur. Pour une fois, nous sommes en avant de la parade plutôt que dans le wagon de queue!
L'énergie Guerrière
Ma vie comme je l'entends
Témoignage de Vincent Gilbert
Dans le cadre de la semaine québécoise de la déficience intellectuelle, nous avons rencontré Vincent, qui est âgé de 29 ans et réside à la Maison Jolivie. En effet, depuis le mois de mai 2012, Vincent à intégré un des seize logements de la résidence. « Pour moi, il était important que je puisse vivre seul en appartement. Je voulais vivre mon indépendance et mon autonomie » mentionne-il. Il dit également vivre une grande fierté à pouvoir se débrouiller seul. Certes, il a encore besoin de l'aide de ses parents notamment pour son budget et pour leurs précieux conseils. Cependant, il apprécie pouvoir organiser son horaire, ses sorties ou encore ses dépenses lui-même.
Depuis ses 18 ans, Vincent a appris à être plus autonome financièrement. Il a occupé un poste de stagiaire pendant 10 ans dans une compagnie qui fabrique des chaises de bureau. Cependant, depuis quelques mois, Vincent a intégré un nouveau programme d'étude. Il est présentement en train de développer différentes habiletés afin de pouvoir se trouver un nouveau travail. Il aimerait exercer un métier passionnant et où il sera rémunéré à sa juste valeur. « J'avais envie de me réorienter et de me trouver un vrai travail » nous dit-il.
Vincent a maintenant de nouveaux objectifs afin de pouvoir mieux se débrouiller seul. Il aimerait obtenir son permis de conduire. « J'aimerais pouvoir me déplacer où je veux sans être obligé de prendre l'autobus ».
Comme on peut le constater, Vincent vie sa vie comme il l'entend. Il a voulu s'affranchir de ses parents et comme tout adulte, vivre de ses propres moyens et développer son autonomie. Malgré un cheminement peu conventionnel et certaines embûches dues à l'intolérance et au jugement de certains, il peut maintenant marcher la tête haute, car il a réussi à atteindre des sommets que plusieurs pensaient inaccessibles.
Un modèle de réussite
Notre fille, Mylène, a une déficience intellectuelle, elle a une trisomie 21, ce qui ne l'empêche pas de profiter de la vie. Il faut dire que les débuts avec Mylène n'ont pas toujours été faciles. Elle a dû subir une chirurgie cardiaque à l'âge de 9 mois, ce qui a été très difficile pour toute la famille. Il y avait les rendez-vous médicaux, la stimulation, l'ergothérapie et la physiothérapie avec tout ce que cela implique.
Mylène est la dernière de nos 4 enfants, elle a une sœur et 2 frères. Elle est aussi très fière de sa nouvelle nièce et aime prendre le temps de la bercer.
Toute la famille est très fière des acquis de Mylène. Sa sœur et ses frères sont aussi très présents dans sa vie et partagent plusieurs activités avec elle qui font son bonheur. .
Elle a maintenant 26 ans, elle est allée à l'école primaire au régulier avec l'aide d'une éducatrice, au secondaire elle est allée à l'école Mgr Parent dans le programme Trajet. En 2008, elle a commencé à fréquenter les ateliers de travail du CRDI et 14 mois plus tard, soit en décembre 2009, elle commençait un stage en milieu de travail régulier chez Tim Horton à raison de 5 jours semaine. Elle y travaille toujours et est très heureuse dans son emploi, elle est aussi très bien accueillie par tous les employés qui apprécient sa bonne humeur.
Mylène est aussi une grande sportive, elle a intégré les Olympiques Spéciaux en 2007 en commençant par l'athlétisme, puis elle a commencé à jouer au hockey intérieur. Sa passion pour le sport étant grandissante, puisqu'elle en retire beaucoup de plaisir et de confiance en elle, elle a voulu s'inscrire en soccer, en basket, en raquette et cette année elle a commencé le ski alpin. Mylène est pratiquement toujours présente aux entraînements et aux compétitions. Elle démontre toujours de l'intérêt et de l'enthousiasme. Elle est maintenant capable d'accepter la défaite, ce qui était très difficile au début. Elle encourage ses amis et même les adversaires et sait savourer son bonheur avec ses coéquipiers. En novembre 2012, Mylène a été honorée lors de la soirée des bénévoles et athlètes d'Olympiques Spéciaux en étant nommée athlète émérite féminine de l'année. Mylène était très fière d'elle, tout comme nous, sa famille.
Mylène aime beaucoup la musique et participe avec 6 autres jeunes présentant une déficience intellectuelle à un band qui font des spectacles pour différentes personnes.
Par l'entremise du Parrainage Civique Champlain, Mylène a une marraine. Cette dernière, malgré ses études, trouve du temps pour faire des sorties avec Mylène et ce une fois par mois, au minimum. Mylène est toujours heureuse lorsqu'elle la voit.
Mylène a de l'énergie à revendre, elle est généralement de bonne humeur. Elle est une personne très attachante et très sociable, ce qui constitue sa plus grande force.
Mylène est un rayon de soleil pour tous ceux qui la côtoient.